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L'école autrichienne d'économie, la dynamique de l'économie.

Hayek, la liberté et l''Etat

30 Juin 2023 , Rédigé par Le blog autrichien

Friedrich Hayek, figure la plus connue de l’école autrichienne d’économie, associé au reaganomics, au thatchérisme, à l’ultralibéralisme. Son simple nom peut déclencher les foudres contre le néolibéralisme. Sortons de la caricature et essayons de décrire la démarche d’Hayek. Une pensée guidée par un objectif: la défense de la liberté.

Hayek a été un économiste reconnu, professeur à la prestigieuse London School of Economics. Il s’entendait très bien avec John Maynard Keynes, pourtant son adversaire sur le plan des idées. Il a témoigné de sa grande estime de l’intelligence de son confrère, tout en estimant que ses connaissances en économie étaient trop faibles. Heureux temps où de grands esprits débattaient sereinement.

Hayek est surtout connu en tant qu’économiste, sans doute parce qu’il a reçu le prix Nobel d’économie (le prix de la Banque de Suède plus précisément, car Alfred Nobel n’avait pas prévu de prix pour l’économie). Mais, les écrits qui lui valent le qualificatif d’ultralibéral ne sont pas des écrits économiques. Et, en économie, il doit son prix à sa théorie des cycles, qui est le prolongement des travaux de son mentor, Ludwig von Mises. Il n’est pas impossible que Mises eût reçu le prix s’il avait été encore de ce monde.

Hayek était cependant connu dès avant son Nobel, notamment aux Etats-Unis d’Amérique. Cela grâce à un livre, sorti en 1944, “La route de la servitude”. Hayek est d’origine autrichienne. Il a vécu la montée du nazisme, et aussi du communisme puisque celui-ci s’est aussi développé en Allemagne. Il considérait qu’il revivait les mêmes phénomènes en Angleterre. Il a voulu mettre en garde.

“La route de la servitude” est un livre compliqué. Bien sûr, on comprend l’idée générale en le lisant. Mais il est truffé de références bibliographiques, très pointues. C’est un livre à destination des universitaires, des spécialistes. Hayek ne visait pas le grand public. Cependant, un événement va permettre une plus large diffusion des idées du livre. En effet, celui-ci fut résumé par la célèbre maison Reader Digest. Et Hayek accéda, du moins aux Etats-Unis, à une petite notoriété inattendue.

Hayek a pris un risque en écrivant et en faisant publier ce livre. Il sortait du domaine dans lequel il était reconnu, tout d’abord. Car ce livre ne traite pas d’économie, ou seulement dans son rapport à la liberté. Ensuite, il allait à l’encontre de l’élite intellectuelle.

Est-ce pour cela qu’il est parti de la London School of Economics, pour aller aux Etats-Unis ? Difficile à dire. Hayek avait également contrevenu aux bonnes mœurs de la société anglaise, en divorçant. Ce qui pourrait être la raison de son exil. Il rejoint donc l’Université de Chicago, mais pas dans le département économie, mais le département "social thought", ce qui correspond en français à “Sciences sociales”.

Hayek va dès lors s’attacher à définir les conditions pour que la liberté soit défendue. Cela passe par la diffusion des idées, lui qui défend que c’est la première étape, pour renforcer la liberté. Mais aussi en essayant d’imaginer un système constitutionnel qui protège la liberté, avec des livres comme “La constitution de la liberté”, ou, surtout, “Droit, législation et liberté”.

Hayek est un peu difficile à suivre parfois. Il réfléchit en écrivant. Ses livres sont plus ou moins inachevés en quelque sorte, étant le reflet de sa pensée à un instant, et toujours susceptible d’approfondissement. Ainsi, il considère qu’il aurait dû garder le titre “La constitution de la liberté” pour le livre qui sera intitulé “Droit, législation et liberté”.

De plus, la pensée d’Hayek est subtile. Il ne va pas avoir de position péremptoire sur ce que doit ou ne doit pas faire un Etat, sur ce qui est du domaine de l’Etat ou ne l’est pas. Au contraire de Mises, son mentor dont les positions, comme les écrits, sont très tranchés. Au contraire des anarcho-capitalistes aujourd’hui.

Ainsi, Hayek a une position évolutionniste, considérant qu’il faut laisser les règles émerger de l’activité des gens, des interactions entre les gens. Les règles s’imposent car elles se révèlent efficaces. Elles sont efficaces car elles contiennent de l’information. Personne n’est capable d’avoir la somme de connaissances pour régir l’activité humaine. Ce sont les règles qui émergent qui permettent cette coordination, alors que les gens qui les appliquent n’ont pas la connaissance qui leur auraient permis de les inventer.

Nous sommes là dans la droite ligne de l’évolutionnisme de Carl Menger, fondateur de l’école autrichienne d’économie. Mais il y a peut-être l’influence anglaise de la Common Law, Hayek étant un admirateur d’auteur anglais comme Hume.

Cependant, Hayek donne quand même un rôle important à l’Etat. Les fonctions régaliennes, justice, police, armée, tout comme Mises, ce qui est la conception minarchiste de l’Etat. Mais il va plus loin, écrivant que l’Etat peut financer les écoles (mais pas organiser l’enseignement), s’occuper des statistiques. Il ira juqu’à soutenir l’impôt négatif proposé par Friedman. Hayk accepte donc une sorte d’Etat providence, ce qui a valu le qualificatif de social-démocrate de la part de Mises, et lui vaut celui de socialiste de la part des Anarcho-capitalistes. Celui qui a été considéré comme le symbole du néolibéralisme considéré comme un socialiste! Quel paradoxe.

A noter qu'en matière de raisonnement Hayek mélange aussi les genres. En bon membre de l'école autrichienne d'économie,  il est adepte de l'apriorisme axiomatique. Mais, ilest un peu influencé par Karl Poppet, est instille une dose d'empirisme.

La réflexion d’Hayek est de faire en sorte que l’action de l’Etat n’entrave pas la liberté. Comment? Hayek recherche une forme de constitution qui permette le respect du principe de liberté, qui empêche les Etats d’aller trop loin en quelque sorte. Dans “Droit, législation et liberté”, il imagine une constitution qui instaure deux chambres parlementaires. L'une, chargée des affaires courantes, de la gestion du pays au jour le jour. L'autre, qui veille à ce que le principe de liberté soit respecté par ce parlement chargé des affaires courantes. Cette chambre haute, en quelques sorte, serait composée de membre élus, mais d'un certain âge,  avec donc une certaine expérience de la vie.

Comment qualifier la démarche d'Hayek? Hayek est difficile à cerner, d'un point de vue théorique ou épistémologique. Il y a l'auteur, et le polémiste, terme un peu fort mais qui s'applique dans une certaine mesure au personnage. Ajoutons qu'il a écrit sur beaucoup de sujet. Il est un produit de la grande époque viennoise, qui a donné de grands penseurs, pas d'accord entre eux, et qui a suscité le développement de multiples théories, dont par exemple la psychanalyse.

La démarche d'Hayek, en matière de gouvernement,  peut être qualifier de pragmatique. Il mêle l'apriorisme et l'utilitarisme. Il recherche quelque chose de réalisable, ou réaliste. Le principe de liberté n'est pas négociable. Mais il faut l'appliquer tout en donnant à l'Etat des fonctions qui vont au-delà des fonctions régaliennes,  comme le financement de l'éducation, les coups durs, les externalités, etc. C'est le paradoxe d'un auteur qualifié d’ultralibéral,  alors qu'il cherche à concilier liberté et action de l'Etat.

Logiquement,  les minarchistes, comme Mises, considèrent Hayek comme un social-démocrate. Les anarcho-capitalistes le considèrent logiquement comme un socialiste. Les anarcho-capitalistes,  pour résumer grossièrement,  refusent toute forme d'Etat. Leur argumentation est éthique. Ils se basent sur le principe de non agression : nul n'a le droit d'agresser autrui. Donc, pas même un Etat n'a ce droit, comme de contraindre quelqu'un à payer des impôts. Il est donc logique qu'ils qualifient Hayek de socialiste.

On questionne souvent le réalisme de l'anarcho-capitalisme, cette idée d'une société sans Etat. Mais, en toute logique, questionnons-nous sur la possibilité d'un système institutionnel qui protégerait la liberté.

Interrogation absurde ? Peut-être. Mais  en démocratie,  le pouvoir du peuple par le peuple comme on dit, le devoir n'est-il pas de s'interroger constamment sur l'étendu pouvoir de l'Etat? Or, que voit-on, qu'a-t-on vu?

Quelques exemples. Les USA ont une constitution censée limiter le pouvoir de l'Etat. Les institutions sont censées se neutraliser. Le parlement, avec la nécessité de la majorité dans les deux chambres, un droit de veto du président, l’exécutif, mais qui peut être outrepassé par le parlement, et la cour suprême, qui veille au respect de la constitution. Ceci, c’est la théorie.

En pratique, la cour suprême est politisée. Il y a des juges qui considèrent que la constitution doit être respectée, les originalistes, et les juges qui considèrent qu’elle peut être interprétée, les opposants diraient torturée, les progressistes. Ainsi plusieurs dispositions du New Deal de Roosevelt ont été retoquées par la cour suprême. Puis, des juges sont décédés, d’autres ont démissionné, et les nouveaux nommés ont accepté les mesures du New Deal. Il est parfois considéré que la guerre de Corée était illégale, car non votée par le parlement. Mais, depuis, les interventions militaires ne sont pas votées. Le président américain peut aussi user de son pouvoir réglementaire, pour se passer des lois, là aussi avec l’aide des juges qui l’entérinent.

Ce que nous constatons, c’est que même une cour de justice ne défendra pas forcément le principe de liberté, même s’il est inscrit dans la constitution. Elle se donne un pouvoir d’interprétation.

Qu’en est-il en Europe? Prenons le cas de ce qui est en quelque sorte l’instance suprême, la cour européenne des Droits de l’Homme. Aussi surprenant soit-il, cette cour reçoit des subsides privés, notamment de la part de Bill Gates et de l’Open Society de Georges Soros. Le Conseil de l’Europe, dont fait partie cette cour, reçoit en effet ces subsides. L'Open Society a un agenda ouvertement wokiste. Quelle est son influence sur les juges ?

Par conséquent, les instruments censés garantir la constitution, peuvent servir pour servir des intérêts. Peuvent-ils dans ce cas protéger la liberté, même si elle est inscrite dans la constitution?

La question de la protection de la liberté par le mode de fonctionnement des institutions est peut-être une douce utopie. En ce cas, nous risquons à tout moment de nous voir privés de liberté, de voir la censure se développer, sans que l’Etat, censé lutter contre elle, ne fasse quoi que ce soit, ou même avec l'Etat qui y participe. Aussi, le maintien de la liberté grâce à une constitution peut paraître aussi utopique que la société sans Etat prônée par les anarcho-capitalistes.

Que faire alors ? Assurer la diffusion de l’idée de liberté, c’est-à-dire du libéralisme, comme le préconisait Hayek, paraît indispensable. Diffuser le débat pour montrer que la défense de la liberté n’est pas évidente. Ce débat en faveur de la liberté devrait être permanent dans une démocratie. Et si on critique les anarcho-capitalistes en disant qu’une société sans Etat n’est pas possible, ne pas oublier que l’Etat ne protège pas nécessairement la liberté.

Qui sont les utopistes? Les hayékiens, ou les anarcho-capitalistes? En conclusion, retenons qu’Hayek, critiqué en tant qu’ultralibéral, est beaucoup plus interventionniste qu’on ne le dit. Il recherche finalement un compromis entre intervention de l’Etat et la liberté. Gageons qu’un certain nombre de ses critiques seraient d’accord avec lui s’ils connaissaient ses positions. Mais Hayek rappelle que ni l'Etat, ni la démocratie,  ne peuvent être garants de la liberté. Ce qu'il propose, un système institutionnel censé protéger la liberté, n'atteindra pas forcément cet objectif. Nous devons, à tout le moins, rester vigilants. Et, comme il le préconise,  diffuser l'idée de liberté,  pour la maintenir vivante. 

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